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TÊTES ET FIGURES

Autrefois, il y a bien aujourd’hui un bon demi-siècle, cette démonstration annuelle de fraternité générale, à Québec du moins, prenait, depuis le jour de l’an jusqu’aux Rois inclusivement, la forme de visites chez les parents, amis et connaissances de fréquentation régulière durant l’année. Ces visites revêtaient un certain cachet de solennité qui n’excluait pas la cordialité. Le mari et sa légitime, emmitouflés de leurs vêtements des dimanches et de leurs plus belles fourrures, partaient bras dessus bras dessous pour aller s’acquitter de ce devoir, et faisaient une ronde de visites qu’ils distribuaient sur chacun des premiers six jours de l’année. Chaque visite avait une durée qui indiquait qu’elle n’était pas simple affaire de forme.

La coutume se modifia peu à peu. Seuls les hommes finirent par faire des visites. Leurs carnets allaient se grossissant d’année en année, et la marge de six jours demeurait impitoyablement la même. Il leur en fallait égrener des chapelets de quarante, cinquante, soixante, jusqu’à quatre-vingts en une seule journée. Les visites des trois premiers jours produisaient chez les dames l’effet d’un compliment flatteur, mais, aux deux ou trois derniers jours, leur prestige se faisait pâlot comme certains couchers de soleil durant l’hiver. On vous trouvait bien en retard au salon de mainte élégante mondaine. Quelques mijaurées même poussaient la sus-