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Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/199

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TÊTES ET FIGURES

sées les plus mélancoliques ; ce fut au point que je dépassai, sans la voir, la route transversale qui côtoie la rive septentrionale de la rivière Saint-Charles, et que je m’engageai sous les massifs ombreux qui bordent l’avenue du cimetière, sans réaliser pleinement le fait que j’étais aussi prêt du but de ma promenade funèbre.

Des bruits de pas me tirèrent soudain de ma rêverie de l’autre monde ; je levai la tête et interrogeai le paysage.

Un homme, à la tenue assez correcte, gravissait la rampe qui conduit au cimetière. Sa démarche étant lourde et pénible, je n’eus pas de peine à le rejoindre au moment où il entrait dans l’enclos de la mort, par la petite porte qu’il laissa entrebâillée, du reste, en voyant que je me dirigeais du même côté.

Je m’inclinai en signe de remerciement. La figure de l’individu m’était absolument inconnue. J’observai qu’il avait non seulement la démarche lourde, mais les traits fatigués de quelqu’un qui a cruellement souffert, sous l’empire d’une douleur profonde et peut-être incurable.

J’éprouvai de suite pour lui une vive sympathie. J’étais convaincu qu’il venait s’agenouiller sur la tombe, une tombe toute fraîche peut-être, d’une mère, ou d’un enfant, quelque chérubin de quatre ou cinq ans. Son air de