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Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/69

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TÊTES ET FIGURES

violon s’y trouvait, et les cinquante louis étaient sur la table.

— Bonsoir, madame, dit l’étranger, qui sortit et alla s’installer dans la carriole.

Charlot était resté comme figé près de la table ; les cinquante pièces d’un louis l’avaient comme hypnotisé ; il n’avait jamais vu autant d’argent à la fois.

— Charlot ! lui cria du dehors l’étranger.

— Oui, oui, monsieur, on y va, j’allume !

— Ben ! la mère, finit-il par articuler entre deux touches et en bourrant sa pipe du pouce, j’veux que le diable m’exerce pour faire un trotteur, si c’est pas comme ça que les miracles se font. Mais, qu’en pensez-vous, mère Adrien ? J’sus pas sûr si c’t’homme-là, si c’est du monde, ou ben le Mardi-Gras. Ayeu donc, la mère !

Et Charlot sortit en courant.

On l’entendit gourmander Vigoureux, et ya donc ! par ci, et hue donc ! par là, et la carriole partit.

Charlot, l’âme remplie d’une crainte superstitieuse, n’osa pas adresser la parole à l’étranger le reste du voyage. Il était convaincu que s’il ne transportait pas le diable, c’était quelqu’un qui lui avait déjà parlé, qui avait tué la poule noire et découvert un coffre-fort.

Quant à la mère Adrien, les lunettes toujours sur son front encadré de cheveux blancs, elle