Ce désir d’unité entre les diverses parties d’un spectacle, cette recherche d’équilibre à quoi se ramènent en fin de compte toutes les théories wagnériennes, voilà justement ce qui va, à la réflexion, éclairer peu à peu Wagner sur la valeur artistique du ballet, qui s’opposera dès lors en son esprit à l’idée de danse. La danse digne de ce nom est une mimique. Elle ne consiste pas en mouvements des jambes et des bras, mais bien en une « expression vivante » à laquelle participent le corps et l’âme du danseur. Par le rythme, cette mimique devient un art ; par la parole, elle double sa valeur. « En tant que mimique, elle est l’expression immédiate de la vie intérieure, et ce n’est plus seulement le rythme sensuel du son, mais c’est le rythme spirituel de la parole qui lui dicte sa loi[1] ». La danse est l’expression d’une unique puissance spirituelle que traduisent parallèlement la poésie et la musique. De là ces théorèmes dont la forme sentencieuse est familière à Wagner : « La danse harmonisée est la base des plus riches chefs-d’œuvre de la symphonie moderne[2] ». Et : « L’artiste à la fois danseur, musicien et poète n’exprime qu’une seule et même chose[3] ». Il suit finalement, et malgré les complaisances viennoises, que la danse développée pour elle-même, la danse « art pour l’art » est un monstre (et voilà le fondement théorique de ce mépris pour les virtuoses danseurs). Il en résulte même, par un ingénieux et méchant détour dont Wagner n’est pas peu satisfait, que l’opéra français dans son ensemble n’est pas moins monstrueux. Car la musique d’opéra français, qu’est-elle sinon « une musique de contredanse[4] ? » Et la preuve évidente n’en est-elle pas dans le fait que tous les quadrilles du Second Empire ne sont qu’un pot-pourri d’airs de grands opéras ; et chacun de ces airs ne reçoit-il pas son nom véritable lorsque le directeur du quadrille crie : Pantalon — En