Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/24

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ÉRYXIMAQUE

N’est-ce pas ce que nous voyons ? — Que veux-tu de plus clair sur la danse, que la danse elle-même ?

PHÈDRE

Notre Socrate n’a de cesse qu’il n’ait saisi l’âme de toute chose : sinon même, l’âme de l’âme !

SOCRATE

Mais qu’est-ce donc que la danse, et que peuvent dire des pas ?

PHÈDRE

Oh ! Jouissons encore un peu, naïvement, de ces beaux actes !… À droite, à gauche ; en avant, en arrière ; et vers le haut et vers le bas, elle semble offrir des présents, des parfums, de l’encens, des baisers, et sa vie elle-même, à tous les points de la sphère, et aux pôles de l’univers… Elle trace des roses, des entrelacs, des étoiles de mouvement, et de magiques enceintes… Elle bondit hors des cercles à peine fermés… Elle bondit et court après des fantômes !… Elle cueille une fleur qui n’est aussitôt qu’un sourire !… Oh ! comme elle proteste de son inexistence par une légèreté inépuisable !… Elle s’égare au milieu des sons, elle se reprend à un fil… C’est la flûte secourable qui l’a sauvée ! Ô Mélodie !…

SOCRATE

On dirait maintenant que tout n’est que spectres autour d’elle… Elle les enfante en les fuyant ; mais si, tout à coup, elle se retourne, il nous semble qu’elle apparaisse aux immortels !…

PHÈDRE

N’est-elle pas l’âme des fables, et l’échappée de toutes les portes de la vie ?

ÉRYXIMAQUE

Crois-tu qu’elle en sache quelque chose ? et qu’elle se flatte d’engendrer d’autres prodiges que des coups de pied très élevés, des battements, et des entrechats péniblement appris pendant son apprentissage ?