Je vols d’abord tous les délires non mélancoliques.
Et ensuite ?
L’ivresse, et la catégorie des illusions dues aux vapeurs capiteuses.
Oui. Mais n’y a-t-il point des ivresses qui n’aient point leur source dans le vin ?
Certes. L’amour, la haine, l’avidité, enivrent !… Le sentiment de la puissance…
Tout ceci donne goût et couleur à la vie. Mais la chance de haïr, ou d’aimer, ou d’acquérir de très grands biens, est liée à tous les hasards du réel… Tu ne vois donc pas, Éryximaque, que parmi toutes les ivresses, la plus noble, et la plus ennemie du grand ennui, est l’ivresse due à des actes ? Nos actes, et singulièrement ceux de nos actes qui mettent tout notre corps en branle, peuvent nous faire entrer dans un état étrange et admirable… C’est l’état le plus éloigné de ce triste état où nous avons laissé l’observateur immobile et lucide que nous imaginâmes tout à l’heure.
Mais si, par quelque miracle, celui-ci se prenait de passion subite pour la danse ?… S’il voulait cesser d’être clair pour devenir léger ; et si donc, s’essayant à différer infiniment de lui-même, il tentait de changer sa liberté de jugement en liberté de mouvement ?
Alors il nous apprendrait d’un seul coup ce que nous cherchons à élucider maintenant… Mais j’ai quelque chose encore qu’il faut que je demande à Éryximaque.