Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/36

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les talons, bien frappant et battant le temps, forgeant joie et folie ; et toutes choses en délire bien rythmé, règnent.

Mais la joie croissante et rebondissante tend à déborder toute mesure, ébranle à coups de bélier les murs qui sont entre les êtres. Hommes et femmes en cadence mènent le chant jusqu’au tumulte. Tout le monde frappe et chante à la fois, et quelque chose grandit et s’élève… J’entends le fracas de toutes les armes étincelantes de la vie !… Les cymbales écrasent à nos oreilles toute voix des secrètes pensées. Elles sont bruyantes comme des baisers de lèvres d’airain…

ÉRYXIMAQUE

L’Athikté cependant présente une dernière figure. Tout son corps sur ce gros doigt puissant se déplace.

PHÈDRE

Son orteil qui la supporte tout entière frotte sur le sol comme le pouce sur le tambour. Quelle attention est dans ce doigt ; quelle volonté la roidit, et la maintient sur cette pointe !… Mais voici qu’elle tourne sur elle-même…

SOCRATE

Elle tourne sur elle-même, — voici que les choses éternellement liées commencent de se séparer. Elle tourne, elle tourne…

ÉRYXIMAQUE

C’est véritablement pénétrer dans un autre monde…

SOCRATE

C’est la suprême tentative… Elle tourne, et tout ce qui est visible, se détache de son âme ; toute la vase de son âme se sépare enfin du plus pur ; les hommes et les choses vont former autour d’elle une lie informe et circulaire…

Voyez-vous… Elle tourne… Un corps, par sa simple force, et par son acte, est assez puissant pour altérer plus profondément la nature des choses que jamais l’esprit dans ses spéculations et dans ses songes n’y parvint !