Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/85

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se doute pas où vous êtes ! » Mais en quoi consiste cet art, il ne tente pas même de l’expliquer. Si Stendhal jugeait impossible de décrire avec exactitude les merveilles chorégraphiques dont il était le spectateur assidu, il peut sembler présomptueux de tenter l’entreprise maintenant que s’est éteint jusqu’au souvenir de ces drames dansés ; nous allons toutefois nous y efforcer, heureux si, avec l’aide des documents iconographiques, des relations contemporaines, des scénarios et de la musique nous pouvons donner une très légère idée des ballets inventés par cet homme de génie.

Salvatore Viganô naquit à Naples le 25 mars 1769 au hasard d’une tournée qui avait conduit ses parents en cette ville[1]. Son père, Onorato Viganô, était l’un des meilleurs maîtres de ballets de ce temps. Protégé par l’impératrice Marie-Thérèse, il avait remporté à Vienne et dans toute l’Italie d’éclatants succès.

La danse était la profession héréditaire de la famille Viganô. Les frères d’Onorato étaient comme lui danseurs et chorégraphes. Sa femme, sœur du célèbre compositeur Boccherini, était elle aussi une fameuse ballerine. Leurs enfants suivirent l’exemple paternel.

Salvatore reçut une éducation toute professionnelle. On pourrait s’en étonner à constater la vaste culture, presque l’érudition dont témoignent ses œuvres. Sans doute l’intuition et une prodigieuse mémoire, jointes à d’intelligentes lectures, lui permirent-ils de suppléer, comme ce fut le cas pour Beethoven, aux lacunes de son instruction. Monti regrettait qu’il ne se fût adonné à la poésies assurant qu’il y avait chez lui l’étoffe d’un nouvel Arioste. Il est incontestable que Viganô sut unir l’imagination d’un poète à la vision d’un peintre et à la sensibilité d’un musicien.

Viganô fit de la musique une étude particulière comme s’il avait eu

  1. Pour la biographie de Viganô, comme pour tous les renseignements concernant son œuvre, je suis, à moins d’indications contraires, le livre de Carlo Ritomi, véritable monument élevé à la gloire du grand chorégraphe. Commentarii della vita e delle opere coredrammatiche di Salvatore Viganô e della coregrafia e de corepei scritii da Carlo Ritorni Reggiano. Milano, 1838, in-8o.