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des tableaux vivants, mais des tableaux d’une continuelle mobilité puisque tous les personnages devaient agir en conformant leurs gestes aux injonctions du rythme musical.

Ces gestes dont Stendhal vante la vérité, le naturel, nous apparaissent sur les estampes, curieusement stylisés. Viganô est bien de son temps. L’Antiquité le hante. Ses personnages, qu’ils portent la tunique fourrée des Strelitz, la toge romaine ou l’ample robe des sénateurs vénitiens, gardent des attitudes semblables à celles des dieux et des héros sculptés au flanc des vases ou des sarcophages grecs. Il y a transposition de la nature plutôt qu’imitation servile et c’est bien en cela que consiste l’Art. Pour accomplir une pareille tâche il fallait une prodigieuse imagination servie par un sens rare de la composition picturale et de la musique. Stendhal nous affirme qu’il avait ces trois dons : « C’est une imagination dans le genre de Shakespeare ; il y a du génie du peintre, il y a du génie musical dans cette tête (1). »


Il faudrait un gros ouvrage et il serait bien à souhaiter que quelqu’un l’écrivît un jour, pour étudier dans leurs détails les ballets de Viganô au moyen des scénarios, des relations contemporaines, des estampes, de la musique, enfin surtout du livre précieux de Carlo Ritorni. Nous nous contenterons de décrire quelques ballets de la période milanaise, de ceux dont il est le plus souvent question dans les mémoires du temps et en particulier dans les livres et les lettres de Stendhal. Le premier ballet en lequel Viganô semble avoir donné sa mesure fut Prométhée représenté au printemps de l’année 1 81 3. Abandonnant les sujets historiques et les fables mythologiques à intrigues amoureuses, Viganô reprenait le vieux mythe pour peindre sur la scène l’humanité primitive et les origines de la civilisation. Le premier tableau apparaissait d’une originalité puissante et contrastait avec les scènes habituelles de ballet

(I) Rome. Naples et Florence, I. 395.