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Page:Le Banquet - publication mensuelle, 1892.djvu/43

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Une dernière différence fondamentale : Le besoin de liberté, l’aspiration instinctive au bonheur et les raffinements dans le sentiment de la liberté appartiennent aussi nécessairement à la morale et à la moralité des esclaves, que l’art et l’enthousiasme dans la vénération et dans la résignation, sont le symptôme normal d’une façon de penser et de juger aristocratiques.

(Au-delà du bien et du mal, § 260)
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II

LE RÔLE SOCIAL DU CHRISTIANISME


Il y a dans la race humaine comme dans toute race animale une majorité de ratés, de malades, de dégénérés, de faibles, d’individus voués à la douleur ; les cas heureux sont partout des exceptions, exceptions d’autant plus rares chez l’homme, que la race humaine n’est pas encore fixée. Mais pis encore : plus un homme sera d’un type élevé, moins il sera probable qu’il doive réussir ; c’est dans son action destructive sur les hommes les plus élevés et dont les conditions d’existence sont délicates, complexes et difficiles à apprécier que le hasard, la loi de l’absurde qui règne dans toute l’économie de l’humanité, se montre dans toute son horreur… Et maintenant voyons comment se comportent les deux grandes religions, la religion chrétienne et la religion bouddhiste par rapport à cette majorité de cas malheureux ? Elles cherchent à conserver, à maintenir fortement dans la vie, ceux qui voudraient y échapper. Ce sont des religions à l’usage des souffrants ; il est naturel qu’elles prennent parti pour tous ceux qui souffrent de la vie comme d’une maladie, qu’elles leur donnent raison, et qu’elles veuillent établir que toute autre conception de la vie est fausse et devient impossible… Lorsque les « religieux chrétiens » donnaient des consolations aux souffrants, du courage aux opprimés et aux désespérés, de l’aide et un soutien aux chancelants, un refuge contre la société en enfermant dans les cloîtres, prisons spirituelles, ceux dont la vie intérieure était détruite et qui étaient devenus les parias de la société, que faisaient-ils sinon travailler, d’un cœur