Page:Le Bon - Lois psychologiques de l’évolution des peuples.djvu/23

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leurs fautes, nous recevons la récompense de leurs vertus.

La formation de la constitution mentale d’un peuple ne demande pas, comme la formation des espèces animales, ces âges géologiques dont l’immense durée échappe à tous nos calculs. Elle exige cependant un temps assez long. Pour créer dans une race telle que la nôtre, et cela à un degré assez faible encore, cette communauté de sentiments et de pensées qui constitue son âme, il a fallu plus de dix siècles. [1] L’oeuvre prédominante peut-être de notre Révolution a été d’activer cette formation en finissant à peu près de briser les petites nationalités Picards, Flamands, Bourguignons, Gascons, Bretons, Provençaux, etc., entre lesquelles la France était divisée jadis. Il s’en faut, certes, que l’unification soit complète, et c’est surtout à cause des races trop diverses dont nous sommes composés et qui entrainent naturellement des idées et des sentiments trop différents, que nous restons victimes de dissensions inconnues des peuples plus homogènes, tels que les Anglais. Chez ces derniers, la Saxon, le Normand, l’ancien Breton sont parvenus à former, en se fusionnant, un type très homogène, rendant homogène la conduite. Grâce à cette fusion, ils ont fini par acquérir solidement ces trois bases fondamentales de l’âme d’un peuple des sentiments communs, des intérêts communs, des croyances communes. Quand une nation en est arrivé là, un accord instinctif unit tous ses membres sur toute les questions graves et les dissentiments sérieux ne naissent plus dans son sein.

Cette communauté de sentiments, d’idées, de croyan-

  1. Ce temps, fort long pour nos annales, est en réalité assez court, puisqu’il ne représente que trente générations. Si une période relativement aussi restreinte suffit à fixer certains caractères, cela tient à ce que, dès qu’une cause agit pendant quelque temps dans le même sens, elle produit rapidement des effets très grands. Les mathématiques montrent que quand une cause se répète longtemps dans le même sens, ses effets croissent en progression géométrique (2,4,8,16, 32, etc .) alors que la cause ne varie qu’en progression arithmétique (1,2,3,4,5, etc.). Les causes sont les logarithmes des effets. Dans le fameux problème du doublmement des grains de blé sur les cases de l’échiquier, le numéro d’ordre des cases est le logarithme du nombre des grains de blé. De même pour la somme placée à intérêts composés, la loi de l’accroissement est telle que le nombre des années est le logarithme du capital accumulé. C’est pour des raisons de cet ordre que la plupart des phénomènes sociaux peuvent se traduire par des courbes géométriques à peu près semblables. Dans un autre travail j’étais arrivé à constater que ces courbes peuvent s’exprimer au point de vue analytique par l’équation de la parabole ou de l’hyperbole. Mon savant ami M. Cheysson pense qu’ils se traduisent mieux le plus souvent par une équation exponentielle.