Page:Le Bon - Psychologie des foules, Alcan, 1895.djvu/179

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réjouissent toujours l’auditoire. Mais la satisfaction des opposants ne dure pas bien longtemps, car la voix du préopinant est bientôt couverte par les hurlements des adversaires. On peut considérer comme type des réunions publiques les comptes rendus suivants, pris entre des centaines d’autres semblables, et que j’emprunte aux journaux quotidiens

« Un organisateur ayant prié les assistants de nommer un président, l’orage se déchaîne. Les anarchistes bondissent sur la scène pour enlever le bureau d’assaut. Les socialistes le défendent avec énergie  ; on se cogne, on se traite mutuellement de mouchards, vendus, etc. un citoyen se retire avec un œil poché.

« Enfin, le bureau est installé tant bien que mal au milieu du tumulte, et la tribune reste au compagnon X.

« L’orateur exécute une charge à fond de train contre les socialistes, qui l’interrompent en criant : « Crétin ! bandit ! canaille ! » etc., épithètes auxquelles le compagnon X… répond par l’exposé d’une théorie selon laquelle les socialistes sont des « idiots » ” ou des « farceurs ».


« … Le parti allemaniste avait organisé, hier soir, à la salle du Commerce, rue du Faubourg-du-Temple, une grande réunion préparatoire à la fête des Travailleurs du premier mai. Le mot d’ordre était  : « Calme et tranquillité ».

«  Le compagnon G… traite les socialistes de « crétins » et de “ fumistes ».

«  Sur ces mots, orateurs et auditeurs s’invectivent et en viennent aux mains ; les chaises, les bancs, les tables entrent en scène, etc., etc. »


N’imaginons pas un instant que ce genre de discussion soit spécial à une classe déterminée d’électeurs, et dépende de leur situation sociale. Dans toute assemblée anonyme, quelle qu’elle soit, fût-elle exclusivement