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Page:Le Bon - Psychologie des foules, Alcan, 1895.djvu/26

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PSYCHOLOGIE DES FOULES

prend une signification tout autre. Dans certaines circonstances données, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux des individus composant cette agglomération. La personnalité consciente s’évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. Il se forme une âme collective, transitoire sans doute, mais présentant des caractères très nets. La collectivité est alors devenue ce que, faute d’une expression meilleure, j’appellerai une foule organisée, ou, si l’on préfère, une foule psychologique. Elle forme un seul être et se trouve soumise à la loi de l’unité mentale des foules.

Il est visible que ce n’est pas par le fait seul que beaucoup d’individus se trouvent accidentellement côte à côte, qu’ils acquièrent les caractères d’une foule organisée. Mille individus accidentellement réunis sur une place publique sans aucun but déterminé, ne constituent nullement une foule au point de vue psychologique. Pour en acquérir les caractères spéciaux, il faut l’influence de certains excitants dont nous aurons à déterminer la nature.

L’évanouissement de la personnalité consciente et l’orientation des sentiments et des pensées dans un sens déterminé, qui sont les premiers traits de la foule en voie de s’organiser, n’impliquent pas toujours la présence simultanée de plusieurs individus sur un seul point. Des milliers d’individus séparés peuvent à certains moments, sous l’influence de certaines émotions violentes, un grand événement national par exemple, acquérir les caractères d’une foule psychologique. Il suffira alors qu’un hasard quelconque les réunisse