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Page:Le Bon - Psychologie des foules, Alcan, 1895.djvu/90

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PSYCHOLOGIE DES FOULES

Aussi n’est-il pas du tout dans le pouvoir d’un peuple de changer réellement ses institutions. Il peut assurément, au prix de révolutions violentes, changer le nom de ces institutions, mais le fond ne se modifie pas. Les noms ne sont que de vaines étiquettes dont l’historien qui va un peu au fond des choses n’a pas à se préoccuper. C’est ainsi par exemple que le plus démocratique des pays du monde est l’Angleterre[1], qui vit cependant sous un régime monarchique, alors que les pays où sévit le plus lourd despotisme sont les républiques hispano-américaines, malgré les constitutions républicaines qui les régissent. Le caractère des peuples et non les gouvernements conduit leurs destinées. C’est un point de vue que j’ai essayé d’établir dans un précédent volume, en m’appuyant sur de catégoriques exemples.

C’est donc une tâche très puérile, un inutile exercice de rhéteur ignorant que de perdre son temps à fabriquer de toutes pièces des constitutions. La nécessité et le temps se chargent de les élaborer, quand nous avons la sagesse de laisser agir ces deux facteurs. C’est ainsi que les Anglo-Saxons s’y sont pris, et c’est ce que nous dit leur grand historien Macaulay dans un

  1. C’est ce que reconnaissent, même aux États-Unis, les républicains les plus avancés. Le journal américain Forum exprimait récemment cette opinion catégorique dans les termes que je reproduis ici, d’après la Review of Reviews de décembre 1894 :
    « On ne doit jamais oublier, même chez les plus fervents ennemis de l’aristocratie, que l’Angleterre est aujourd’hui le pays le plus démocratique de l’univers, celui où les droits de l’individu sont le plus respectés, et celui où les individus possèdent le plus de liberté. »