Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/167

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exprime un désir d’améliorer les conditions d’existence de classes populaires redoutées. Pour les mécontents il traduit simplement leur mécontentement. Le commis à 1.500 francs qui n’avance pas assez vite, le marmiton dont on méconnaît les mérites, le diplômé sans emploi, deviennent immédiatement socialistes. Pour les théoriciens ce mot représente une organisation sociale, variable suivant chacun d’eux, et qui doit être substituée par la force à l’organisation actuelle.

Le primordial caractère du socialisme est une haine intense de toutes les supériorités : supériorité du talent, de la fortune et de l’intelligence.

Pour ses adeptes, il a remplacé les anciens dieux et constitue une puissance mystique capable de réparer les iniquités du sort.

Le collectivisme avait fini par concrétiser la foi nouvelle. Sur les débris de la vieille société, s’élèverait un monde régénéré où, comme dans les Paradis de jadis, tous les hommes jouiraient d’une félicité éternelle.

Longtemps, l’absurdité de la doctrine ne nuisit nullement à sa propagation. Elle flattait des instincts assez bas et par conséquent assez répandus. Prendre à ceux qui possèdent est toujours tentant pour qui ne possède rien. Les dogmes d’ailleurs s’imposent par les espérances qu’ils font naître et jamais par les raisonnements qu’ils proposent. Ils triomphent, malgré leur illogisme, dès que sont déterminées dans les âmes certaines transformations mentales. Le rôle des apôtres est de produire ces transformations. Le socialisme n’en a jamais manqué.

Son succès universel rappelle les débuts du christianisme. Ce dernier, lui aussi se propageait, malgré la faiblesse logique de ses dogmes, et les réfutations des philosophes. Par la puissante action de la suggestion et de la contagion, il finit par acquérir jusqu’aux classes éclairées que son influence devait bientôt détruire.

Le grand élément de succès du socialisme fut d’apparaître au moment où l’homme ne croyant plus à la puissance de ses anciens dieux, en cherchait d’autres à invoquer. Les divinités meurent quelquefois, mais la mentalité religieuse leur survit toujours. L’esprit humain ne sait pas vivre sans religion, c’est-à-dire sans espérance.

Cette mentalité est la même dans toutes les classes sociales. Quand on renie les dieux, on croit aux fétiches.