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rant profondément de celles de l’Europe par notre éducation européenne n’étaient pas impossibles à prévoir. Cette éducation adaptée par des transformations séculaires à nos sentiments et à nos besoins ne pouvait l’être à des sentiments et à des besoins différents. Ses premiers résultats sont de dépouiller brusquement l’Arabe, l’Hindou ou un Oriental quelconque des idées héréditaires sur lesquelles sont fondées ses institutions et ses croyances, base de son existence. Si le rêve de monsieur Leroy-Beaulieu et de tous les auteurs qui prônent l’éducation européenne des Arabes s’accomplissait, l’Algérie serait pour nous ce que fut la Vénétie pour l’Autriche, ce qu’est l’Irlande pour l’Angleterre, l’Alsace pour l’Allemagne.

Nos historiens gémissent quelquefois dans leurs livres de la perte de l’Inde, jadis en partie conquise par le génie du grand Duplex. Ne la regrettons pas trop. Gouvernée comme nous gouvernons Pondichéry et nos autres colonies, c’est-à-dire avec les principes exposés par monsieur Leroy-Beaulieu, l’Inde, rapidement mise à feu et à sang, n’eût pas tardé à nous échapper.

On a recommencé en Indo-Chine exactement les mêmes lourdes fautes qui rendent partout notre domination si intolérable et si ruineuse.[1]

Nous envoyons administrer des Orientaux par des agents politiques qui les traitent à la façon d’un département français, avec une armée de fonctionnaires, n’ayant pas les notions les plus vagues des mœurs et des coutumes du peuple indigène, et le heurtant à chaque instant. Alors que notre grande colonie devrait rapporter 200 millions par an à la métropole, suivant l’assertion d’un ancien gouverneur, monsieur Harmand, nous continuons à y semer millions et soldats, sans autre résultat que de nous faire profondément haïr, perdre tout prestige et montrer une

  1. En Indo-Chine et partout. Le docteur Colin a publié sur le Sénégal et le Soudan une série d’articles où il montre les tristes résultats de notre incurable manie de vouloir imposer à tous les peuples nos institutions. "En nous attaquant prématurément à l’organisation de la société nègre, dit l’auteur, nous aurons la guerre, la guerre perpétuelle et sans merci, et nous trouverons devant nous tous les peuples fétichistes et musulmans, sans compter que les esclaves eux-mêmes seraient contre nous."