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les amenèrent au pouvoir. Robespierre, Saint-Just et les Jacobins cherchèrent uniquement à appliquer les théories de leur maître.

L’influence de Rousseau ne disparut nullement avec la Révolution. Monsieur Lanson fait justement remarquer que « depuis un siècle, tous les progrès de la démocratie, égalité, suffrage universel, l’écrasement des minorités, les revendications des partis extrêmes, la guerre à la richesse et à la propriété ont été dans le sens de son œuvre » .

Nous verrons qu’en réalité il fut beaucoup moins un inspirateur qu’un prétexte.

La rapidité avec laquelle se propagèrent les idées de Rousseau au moment de la Révolution est frappante. Nous savons par les cahiers généraux de 1789, ce que la majorité des Français demandait alors : abolition des privilèges féodaux, lois fixes, justice uniforme, etc., c’est-à-dire à peu près ce que Napoléon réalisa par son Code. La royauté était encore universellement respectée et personne ne demandait à la supprimer.

Et cependant, trois ans plus tard les théories énoncées plus haut régnaient souverainement et la Terreur supprimait ceux qui ne les vénéraient pas.

Il semble donc qu’il y ait contradiction évidente entre ce que nous avons dit du peu d’influence des théories déduites de la raison pure, sur la marche des événements et l’action si rapide que ces théories semblèrent exercer pendant la Révolution.

Nous accentuerons encore cette contradiction en affirmant que les hommes de chaque âge sont gouvernés par un très petit nombre d’idées directrices qui s’établissent fort lentement et ne deviennent des mobiles d’actions qu’après s’être transformées en sentiments.

En réalité, la contradiction, malgré sa netteté apparente, n’existe pas. Si en effet, les idées des théoriciens de la Révolution s’implantèrent facilement dans l’âme des foules, ce n’est nullement parce qu’elles étaient nouvelles, mais uniquement parce qu’elles étaient au contraire fort anciennes. Les théories révolutionnaires ne firent que prêter l’appui des lois à des passions n’ayant jamais cessé d’exister et à des aspirations, que les nécessités sociales peuvent réprimer ou endormir, mais qui ne s’éteignent jamais.

Le peuple avait accepté la puissance royale et les iné-