Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/275

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propagées par des apôtres imbus de convictions, assez intenses pour transformer en vérités éclatantes les plus manifestes erreurs, et asservir entièrement les âmes.

Les convictions de ces apôtres sont si puissantes qu’ils obéissent à leurs suggestions sans se soucier de leur intérêt personnel. Hypnotisés par la foi qui les a subjugués, ils sacrifieront tout pour en établir le règne.

Ces demi-aliénés, dont l’étude relève surtout de la pathologie mentale, jouèrent cependant un rôle immense dans l’histoire.

Ils se recrutent principalement, comme je l’ai montré dans ma Psychologie du socialisme, parmi les esprits doués à un haut degré d’instinct religieux, instinct dont la caractéristique est le besoin d’être dominé par un être ou par un Credo quelconque, et de se sacrifier pour faire triompher l’objet de leur adoration. Tous rêvent une société paradisiaque bien proche du paradis céleste de nos pères. Les terroristes russes et les diverses variétés d’anarchistes en fournissent de curieux exemples. Dans ces cervelles rudimentaires, entièrement dominés par l’atavisme religieux, et qu’aucun raisonnement ne saurait effleurer, le vieux déisme ancestral s’est objectivé sous la forme d’un paradis terrestre, gouverné par un État providentiel réparant toutes les injustices et doté de la puissance illimitée des anciens dieux.

L’incapacité de l’apôtre à raisonner, son besoin de propager sa croyance, son ignorance des nécessités et des réalités le rendent très dangereux, parce qu’il agit sur des foules incapables, elles aussi, de raisonner et dont les opinions se forment surtout par voie de contagion.

Une des grandes erreurs de l’âge moderne est de croire que l’on persuade les foules avec des raisonnements. L’affirmation, la répétition, le prestige et la contagion sont, je le rappelle de nouveau, les sources à peu près uniques de leurs convictions. Que ces dernières contrarient leurs intérêts les plus certains, qu’elles se heurtent à des impossibilités évidentes, peu importe. Les croyances acceptées, si absurdes soient-elles, deviennent de puissants mobiles d’action. C’est au nom de croyances fort contraires à la raison que le monde fut bouleversé tant de fois et le sera sans doute encore.

De semblables vérités, qui devraient être élémentaires, expliquent les assassinats politiques. Ils peuvent nous indi-