Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/284

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nées, donc répandaient des erreurs. De bons professeurs saturés de manuels scientifiques devaient les remplacer.

Ce sont là conceptions de primaires fort étrangers à l’évolution de la psychologie moderne. Cette dernière a montré, en effet, que les dogmes ne doivent pas être jugés d’après leur valeur rationnelle, mais par les actes qu’ils inspirent. Peu importe donc, leur degré de vérité ou d’erreur. Seules peuvent nous intéresser les actions provoquées par leur influence. On voit naître chaque jour aux États-Unis des religions nouvelles utiles comme mobiles d’activité et pour cela même respectées. La religion des Mormons, par exemple, a été un bienfait pour l’Amérique, puisqu’elle a déterminé la fondation de plusieurs grandes cités prospères dans des pays jadis incultes.

Ce point de vue utilitaire est pratiquement capital. Les libres penseurs s’attaquant à des dogmes, sous prétexte qu’ils sont erronés, ne comprennent rien au rôle des religions. Il est évident qu’au point de vue rationnel, elles ne contiennent que de faibles parcelles de vérité. L’histoire nous montre cependant que c’est avec l’appui des grandes croyances que les civilisations les plus importantes furent fondées. Elle nous apprend aussi que la foi dans les dogmes, a embelli la vie de millions d’hommes, et que jamais doctrines philosophiques n’inspirèrent pareilles abnégations, semblable dévouement, aussi intense altruisme. Les religions constituent une force à utiliser, non à détruire. Leurs disciples ne doivent être combattus que lorsqu’ils veulent persécuter d’autres croyances.

Créatrices des longs espoirs, soutiens des faibles et des déshérités du destin, les religions furent toujours l’asile de ceux que le sort condamnait à souffrir. Seules elles ont su adoucir la désespérante horreur de la mort. Considérons comme de grands bienfaiteurs de l’humanité les rêveurs, dont l’imagination charmeuse inventa et glorifia les dieux. Jugées par les œuvres dont elles furent les soutiens, ces augustes ombres méritent toute la vénération des penseurs.

La science qui les connaît mieux, renonce à les combattre et proclame la grandeur de leur rôle. Elles furent dans le passé les éléments les plus sûres de la stabilité morale des peuples. L’avenir les transformera sans doute, mais tant que l’âme humaine aura besoin d’espérance elles ne pourront périr.

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