Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/307

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eux qu’une existence éphémère, vivent uniquement dans le présent, sans souci de l’avenir. Une critique ne tenant compte que de l’heure actuelle, est toujours d’ordre inférieur, et condamnée à subir les coups de toutes les fatalités. En politique comme dans l’industrie, le succès appartient aux prévoyants.

L’histoire récente de la Belgique en fournit un bien frappant exemple. Il y a 40 ans, en 1870, l’Afrique était à peu près inconnue. Quelques explorateurs hardis commençaient à peine à la révéler. Un jeune roi, doué de vision lointaine, comprit que l’Asie, allant échapper à l’Europe, l’avenir des Européens était en Afrique. Alors, presque sans ressources, malgré l’opposition ou la mauvaise volonté de ses sujets, il commença au centre du continent africain la fondation d’un empire, le Congo, qui, progressivement agrandi, occupe maintenant une surface égale à la moitié de la Russie d’Europe. Il est finalement devenu pour la Belgique une source de richesse telle, que ce petit pays va compter parmi les plus grandes puissances économiques du monde.


Le lecteur qui a bien voulu nous suivre doit avoir maintenant de la fatalité une idée tout autre que celle donnée par les livres. Envisagée comme nous l’avons fait, elle perd son pouvoir inexorable et mystérieux. Beaucoup de fatalités naturelles sont des forces que nous devons vaincre. Celles engendrées par l’imprévoyance des aïeux sont destructibles par la volonté.

Nous ne cessons, malheureusement, de créer des fatalités artificielles dont les conséquences retomberont durement sur nos descendants. Croit-on, par exemple, que vainement se prêchent l’antipatriotisme, l’antinationalisme, l’antimilitarisme et l’anarchie. Que nous supportons les révoltes des fonctionnaires. Que nous entassons des lois de plus en plus oppressives pour l’industrie. Que les maîtres de l’Université donnent une éducation dont le niveau technique et moral s’affaisse chaque jour. Que l’égalité entre tous les hommes soit devenue un dogme obligatoire ?

Est-ce impunément que les membres de cette Université infiltrent dans l’âme de la jeunesse avec la haine des supériorités, créatrices cependant de la puissance d’un peuple, l’indifférence pour toutes les grandes causes, la résignation morne, l’esprit de négation et de dénigrement,