Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

monde païen devant la foi nouvelle et tient aux mêmes causes. Maintenant comme alors, les esprits d’élite ne croient plus à la solidité des principes sur lesquels l’édifice social est bâti. Tiraillés par des influences ataviques, dont ils se défient, et par les nécessités de l’heure présente, ils sont incapables de volonté forte et finissent par céder à tous les mouvements de l’opinion populaire. Or, cette opinion est extrêmement changeante. Des explosions imprévues de fureur, d’indignation, d’enthousiasme, éclatent à propos des moindres événements.

N’ayant plus un fonds commun de principes susceptibles d’endiguer leurs oscillations mentales, aucun phare directeur pour orienter leur conduite, les gouvernants suivent les foules au lieu de les guider. L’action des élites perd ainsi graduellement sa force et sera bientôt sans poids.

Toutes les formules dans lesquelles se condensent maintenant les instincts populaires et qui visent à la destruction totale de la société, sont propagées par cette catégorie de demi-hallucinés désignés sous le nom de meneurs ou d’apôtres et dont la psychologie n’a pas varié à travers les âges.

Ce sont généralement des esprits très bornés, mais doués d’une ténacité forte, répétant toujours les mêmes choses dans les mêmes termes et prêts souvent à sacrifier leurs intérêts personnels et leur vie pour le triomphe de l’idéal qui les a conquis. Leur puissance sur l’âme des foules est considérable, parce qu’ils promettent sans trêve de lumineux paradis. Un paradis, c’est de l’espérance, et l’espérance fut toujours le grand mobile de l’activité des hommes.

Hypnotisés par leurs rêves, ils finissent par halluciner les multitudes et par les déchaîner furieusement contre tous les obstacles. La mentalité des masses ne s’est guère modifiée dans le cours des siècles. L’intelligence peut évoluer, mais les sentiments et les passions, qui sont nos vrais guides, n’ont jamais changé.

Les apôtres ne se combattent malheureusement qu’avec des apôtres. Or, si ceux du désordre sont nombreux, ceux de l’ordre demeurent bien rares. L’erreur passionne, les froides vérités n’enthousiasment pas.

La tâche est plus facile, d’ailleurs, de vanter des illusions que de défendre des réalités. Assurez à l’ouvrier que