Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

brèves et violentes et se soumettent sans murmures aux ordres les plus impérieux à condition qu’ils soient édictés par des hommes ou des comités revêtus de prestige.

Certes, ces meneurs ne possèdent qu’une psychologie fort sommaire, mais admirablement adaptée à la mentalité des âmes simples qu’ils ont su asservir. Leur horizon est étroit mais ils le connaissent. Ils savent où ils vont et ce qu’ils veulent. Les erreurs des politiciens ne leur échappent pas et « de l’autre côté de la barrière » leurs conseils seraient fort utiles à nos gouvernants. C’est ainsi, par exemple, qu’à l’heure où le gouvernement cédait aux menaces des postiers, un des chefs du syndicalisme montra très justement dans un article que les dirigeants « commettaient une faute impardonnable en laissant prendre conscience de leur force à des gens qui ne s’en doutaient guère ».


La réunion de tous ces facteurs lointains ou rapprochés, stables ou transitoires, représente ce que l’on pourrait appeler l’équation sociale d’une époque. De la solution correcte de cette équation dépend souvent l’avenir d’un peuple. La nécessité suffirait généralement à la résoudre, si les législateurs n’intervenaient pas pour troubler le jeu des facteurs que les lois naturelles tendent toujours à équilibrer.

L’énumération des éléments générateurs de l’évolution d’un phénomène social nous en a montré la variété. Nous avons vu également que les plus actifs étaient souvent les moins aperçus. Leur ensemble constitue un faisceau de forces invisibles qui dirigent la destinée d’un peuple. Il s’agite, elles le mènent. L’homme ressemble souvent au pantin ignorant les fils qui le font mouvoir.

Si puissantes cependant que soient ces forces, nous ne devons pas les subir avec une résignation morne. Dominée par un tel sentiment, l’humanité ne serait jamais sortie de la sauvagerie primitive, et n’aurait pu vaincre la nature qui l’avait d’abord si étroitement asservie.

Et ceci nous conduira à une autre étude qui fait encore partie de la psychologie politique.

Réduite à une simple science de constatation elle serait un peu vaine. Mais elle enseigne aussi l’art de prévoir c’est-à-dire, en langage mathématique, l’art d’extrapoler des courbes dont on a su déterminer un nombre suffisant