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LIVRE II

FACTEURS PSYCHOLOGIQUES
DE LA VIE POLITIQUE




CHAPITRE I

L’origine des lois et
les illusions législatives


Beaucoup d’événements politiques représentent l’éclosion d’un petit nombre de principes solidement ancrés dans les âmes. La croyance en la puissance souveraine des lois est un des plus actifs.

On rencontre en France une foule de gens se disant dégagés de toute croyance religieuse. Ils ne croient plus aux dieux, méprisent les superstitions et ne redoutent guère que les révélations des somnambules ou l’action magique du nombre treize.

Mais dans ce pays de libre pensée on trouverait difficilement des citoyens manifestant le plus léger doute à l’égard de la puissance infaillible des constitutions et des lois. Nous sommes tous solidement persuadés que des textes législatifs peuvent remanier à volonté l’état social d’un peuple. Avec des lois toutes les réformes sont possibles. Il ne tient qu’à elles d’enrichir le pauvre aux dépens du riche, d’égaliser les conditions et d’assurer un bonheur universel.

Ce dogme sacré de la puissance des lois est à peu près le seul resté debout et que les théoriciens vénèrent. Si l’idéal d’un parti politique permettait de le définir, on pourrait dire qu’il n’existe en France qu’un seul parti. Tous possèdent, en effet, un même idéal : réformer la société à coup de décrets et demander à l’État son intervention constante dans la vie sociale des citoyens. On ne sait pas, quand on rencontre un Français, s’il est clérical ou anticlérical, ce qui d’ailleurs représente souvent la même chose, mais on peut être bien certain qu’il est Étatiste.

La doctrine de l’action souveraine des lois a toujours constitué un des plus puissants facteurs de notre histoire