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l’espoir de nous pousser à une guerre, qu’elle hésitait à déclarer pour d’aussi futiles motifs, afin de ne pas trop effrayer l’Europe. Les recueils des dépêches diplomatiques font preuve de l’insolence avec laquelle nous étions traités. Et si l’empereur d’Allemagne renonça définitivement à cette guerre, ce fut sous la seule crainte de voir ses ports bombardés par l’Angleterre, rangée nettement de notre côté.

Du moins la leçon servit et immédiatement les grandes nations accrurent leurs armements. Ce fut justement la nécessité d’élever les impôts pour suffire aux dépenses de ces armements qui amena la crise politique dont souffre si profondément l’Angleterre obligée de consacrer plus d’un milliard par an à sa marine. En attendant qu’ils se battent à coups de canon les peuples se battent à coups de millions.

Le deuxième inconvénient des guerres mentionné plus haut, la destruction d’hommes, n’est à compter que par ses conséquences lointaines. Les batailles de Napoléon coûtèrent 3.000.000 d’hommes. Étant donné qu’elles ont occupé les peuples pendant 20 ans, créé une légende glorieuse à une race, tout en satisfaisant l’instinct de destruction qui est un des plus impérieux de la nature humaine, on peut envisager cette hécatombe avec assez de résignation. Son seul résultat fâcheux, et en vérité l’unique inconvénient sérieux des guerres, est que les morts violentes, frappant les éléments virils les plus robustes d’une nation, réduisent l’accroissement futur de la population et augmentent sa débilité. Cette conséquence n’est vraiment redoutable, d’ailleurs, que pour les peuples dont la population reste stationnaire.


En nous montrant ce que les guerres ont coûté à l’humanité, les statisticiens oublient toujours d’évaluer ce qu’elles lui ont rapporté. C’est cependant une des faces du problème qu’il ne faut pas négliger.

Parmi les avantages des guerres, notons d’abord la formation d’une âme nationale. Par elles cette âme peut naître et se fixer. Or, sans âme nationale, pas de civilisation possible pour un peuple.

L’âme nationale, les guerres la consolident en cas de victoire et accroissent considérablement sa force en cas de défaite. Iéna fut, dit-on, un désastre pour l’Allemagne.