Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/9

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nouveaux.

Alors seulement Machiavel devint machiavélique.

Possédant le sens des réalités, l’éminent psychologue ne cherchait pas le meilleur, mais seulement le possible. Pour pénétrer son génie on doit se reporter à cette période brillante et perverse, où la vie d’autrui ne comptait guère et où le fait d’emporter son vin avec soi pour ne pas être empoisonné lorsqu’on allait dîner chez un cardinal ou simplement chez un ami était considéré comme très naturel. Juger la politique de cet âge avec les idées du nôtre, serait aussi illogique que de vouloir interpréter les croisades, les guerres de religion, la Saint-Barthélémy, à la lumière des conceptions actuelles.

Machiavel n’était pas un simple théoricien. Mêlé intimement par ses fonctions à la politique active de son pays, il avait souffert des dissensions qui bouleversaient les républiques italiennes, alors en plein régime syndicaliste et sans cesse troublées par les plus sanglantes discordes. Il avait vu en 1502, Florence réduite à créer un gonfalonat à vie qui n’était qu’une véritable dictature perpétuelle, c’est-à-dire du Césarisme pur. Cette dernière forme de gouvernement lui paraissait une phase fatale de l’anarchie qu’ont toujours engendrée les gouvernements populaires. Il ne se trompait guère, puisque toutes les républiques italiennes finirent, ainsi d’ailleurs que les républiques athénienne et romaine, de la même façon.

La plupart des règles relatives à l’art de conduire les hommes, enseignées par Machiavel, sont depuis longtemps inutilisables, et cependant, quatre siècles ont passé sur la poussière de ce grand mort, sans que nul ait tenté de refaire son œuvre.

La psychologie politique, ou science de gouverner, est pourtant si nécessaire que les hommes d’État ne sauraient s’en passer. Ils ne s’en passent donc pas, mais faute de lois formulées, les impulsions du moment et quelques règles traditionnelles fort sommaires, constituent leurs seuls guides.

De tels guides conduisent fréquemment à de coûteuses erreurs. Napoléon, si conscient de la psychologie des Français, ignora profondément celle des Russes et des Espagnols. Cette ignorance le jeta dans des guerres où tout son génie de conquérant échoua contre un patriotisme insoupçonné qu’aucune force n’aurait pu vaincre. Très mal