Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/93

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tion. Ils ne se rendent pas compte qu’avec leurs procédés mnémoniques, leurs raisonnements théoriques, abstraits, sans base concrète, l’élève ne saurait apprendre à observer, réfléchir, raisonner, juger et acquérir de la méthode.

Au lecteur qui voudra étudier l’impuissance irréductible des universitaires à saisir les causes de la faiblesse de notre éducation, je recommande la lecture des deux discours sur l’enseignement prononcés devant l’Association française pour l’avancement des sciences, par monsieur Lippmann, professeur à la Faculté des sciences de Paris, et par monsieur Appell, doyen de la même Faculté.

Monsieur Lippmann commence par prouver (et sur ce point, il est d’accord avec tous ses collègues), que l’enseignement à ses divers degrés est tombé en France à un niveau extrêmement bas. La supériorité écrasante de l’enseignement des universités allemandes et leur influence mondiale lui semblent démontrées.

Impressionné par de tels faits, le distingué physicien a réfléchi longuement sur les causes du mal et sur les remèdes.

Sa laborieuse méditation n’a pas été heureuse. Ses conclusions prouvent uniquement à quel point de grands spécialistes sont incapables d’observer et de raisonner dès qu’ils s’écartent de leur spécialité. Il n’irait pas loin le pays gouverné par un aréopage de savants, comme de candides philosophes l’ont jadis proposé !

Si monsieur Lippmann n’était pas un homme grave, parlant devant des gens très graves, on le soupçonnerait volontiers de s’être moqué de ses auditeurs.

Ce qu’il leur a révélé est, en effet, bien singulier : "Notre enseignement ne demeure si déplorable, dit-il, que parce qu’il vient de Chine et a été importé par les Jésuites !" Quant à le réformer, rien n’est plus aisé. Il suffirait de "libérer les Universités du joug du pouvoir exécutif…" et lui "retirer la collation des grades". Étrange aberration ! Toute la puissance du pouvoir exécutif ne se borne-t-elle pas à signer les diplômes que l’Université seule délivre ! Il faut fermer les yeux à l’évidence pour découvrir de telles causes à une situation créée uniquement par nos méthodes d’enseignement.

Les conceptions de monsieur Lippmann sont, comme on le voit, d’une naïveté un peu excessive. Celles émises par monsieur Appell, dans son discours, méritent au même