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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/113

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AU PAYS DES PARDONS

battu d’un flot sauvage contre lequel il servait en quelque sorte de rempart, et dont il brisait les colères, de sa longue étrave de granit. Les assauts de l’Atlantique s’y venaient heurter, comme à un colossal parapet. Souvent on voyait s’écheveler au-dessus de grandes crinières blanches, avec des hennissements de bêtes qui s’ébrouent, tandis qu’au ras des crêtes des lueurs couraient, de rapides fulgurations d’éclairs. Et l’on n’en goûtait que mieux le charme de ce coin abrité, peuplé seulement de cénobites vivant une vie de songe.

Ces influences reposantes agirent promptement sur Gralon, dont la vieille âme était de cire. Déjà les choses du passé achevaient de s’effacer en lui, quand soudain, une nuit d’hiver qu’il était resté à veiller dans sa chambre, il lui sembla entendre une voix douce qui chantait. Cette voix ne pouvait venir des cellules du monastère, depuis longtemps closes et endormies. Aucun chant, d’ailleurs, pas même celui des novices, n’eût eu cette grâce féminine, si attirante, qui, comme une lanière subtite, enlaçait à la fois tous les replis du cœur. Le vieux roi poussa les volets de bois