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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/127

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AU PAYS DES PARDONS

moi, une pauvre vieille à l’allure hésitante, les pieds chaussés de lourds souliers d’homme, la taille si courbée, que ses longs bras avaient l’air de prendre naissance dans ses reins. En passant à côté d’elle, je la « bonjourai ». Elle me répondit d’une petite voix jeunette, au timbre argentin. J’ai souvent observé que, chez nous, les femmes du peuple gardent jusqu’aux extrêmes limites de l’âge je ne sais quel charme d’enfance. Il était évident aussi qu’elle éprouvait un sentiment de joie à rencontrer un être humain dans cette immense solitude. La tristesse des choses autour d’elle lui causait une impression pénible qu’augmentait encore la mélancolie du soir, et cette espèce d’effroi qu’il traîne à sa suite en nos climats occidentaux. Elle engagea la conversation, exprima l’espoir que nous avions peut-être à suivre longtemps ensemble la même route.

« — Moi, dit-elle, « je voudrais atteindre le bourg de Berrien avant l’extinction des lumières. Malheureusement, je ne suis plus ingambe. Je vais comme une loche. »