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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

nuage : tu n’as point de métier. Moi, je suis bonne fileuse. Si tu te faisais broyeur de lin !… »

Il se fit broyeur de lin. Et pendant une année il travailla en conscience. Parfois des tristesses subites rembrunissaient son front, mais elles se dissipaient aussitôt. Tout en travaillant, il composait, et, le dimanche venu, au sortir de la messe, il s’attablait avec quelques camarades dans une salle d’auberge, pour leur débiter ses couplets nouveaux. Très sobre, du reste, ne buvant jamais que du café. Très religieux aussi : il assistait régulièrement à tous les offices. Au bout de l’an, Marie-Françoise le Moullec lui donna une fille. Il la fit baptiser du nom de la Vierge et se prit pour elle d’une véritable adoration, à un tel point qu’il en eut l’esprit comme troublé. Dès lors il ne fut plus aussi attentif à l’ouvrage. Il restait de longues heures en extase auprès du berceau de l’enfant. Sa femme tenta de le morigéner ; il la laissait dire, la pensée ailleurs.

« — Yann », prononça-t-elle un jour, « tu aimes trop la petite. Les enfants qu’on aime trop