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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/213

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AU PAYS DES PARDONS

sation passe, au branle des wagons, sans souci des fleurs d’âme qu’elle écrase et des grands symboles qu’elle anéantit. La douloureuse prédiction de Yann Ar Minouz me revient en mémoire. Aux futurs pardons de Rumengol reverra-t-on les chanteurs ?

Discret et charmant Esprit de l’antique chanson bretonne, tes fervents se font rares. Dans la hiérarchie nouvelle, mieux vaut être cantonnier que barde. De vieilles fileuses, des tailleurs de campagne, de pauvres pâtres, de nomades sabotiers, voilà les seuls qui te vénèrent encore d’un culte simple et profond. Ta voix mélodieuse est condamnée à s’éteindre avec le bruit du dernier rouet. Aux générations qui te furent hospitalières d’autres ont succédé, trop affairées pour t’entendre, trop matérielles pour te goûter. Discret et charmant Esprit de l’antique chanson bretonne, toi qui portas si longtemps sur tes ailes le rêve de notre race, je songe avec tristesse à l’heure prochaine où tu ne seras plus.