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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/222

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

résolut du moins d’en atténuer par tous les moyens possibles les effets. Les saints hibernois ne voyageaient jamais sans être munis d’une cloche portative dont le son, entre autres vertus, avait la propriété de se faire entendre distinctement jusqu’aux plus extrêmes confins du monde. Ronan se servit de la sienne pour avertir en temps de brume les navires égarés et leur signifier qu’ils eussent à s’éloigner de la côte. Ainsi les naufrages devinrent fort rares, en dépit des feux que les indigènes ne se faisaient pas faute d’allumer sur les hauteurs. Ces derniers en conçurent une violente indignation. Les femmes surtout étaient très montées.

« — Jusqu’à présent », disaient-elles, « la mer avait été pour nous une nourrice aux mamelles inépuisables les cadavres aux beaux bijoux abondaient sur nos grèves l’orage était notre pourvoyeur : chaque aube apportait avec elle sa moisson. Rappelez-vous, o hommes, les tonneaux de vin doré où vos lèvres ont bu tant de fois une ivresse mystérieuse qui décuplait vos forces et de surprenants délires qui nous rendaient plus belles