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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/227

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AU PAYS DES PARDONS

d’épouvanté, en demeurait hébété pendant des semaines. C’était un avertissement que le saint leur donnait, qu’ils eussent à laisser libre la voie où il était désormais résolu de marcher seul. Il y gagna de n’être plus diverti dans ses promenades, mais sa réputation en souffrit. Une légende redoutable se créa autour de sa personne. On le soupçonna d’être sorcier et nécromancien ; des pâtres affirmèrent l’avoir vu, déguisé en bête, courir le garou ; on l’accusa de semer mille maux par le pays. On le rendit responsable de tous les méfaits des éléments, auxquels il était censé commander. Un ouragan de grêle dévastait-il les moissons dans la plaine, une tourmente subite, bouleversant la mer, faisait-elle voler en éclats les barques des pêcheurs, c’étaient là autant d’effets de la pernicieuse magie de Ronan.

Il faut avouer que, non content d’inquiéter l’opinion, il semblait parfois avoir pris à tâche de l’exaspérer. Un jour qu’il se promenait sous les ombrages touffus de la forêt de Névet, proche de son ermitage, il aperçut un bûcheron en train d’abattre un chêne. Chaque coup de hache arra-