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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/240

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

s’être assurée qu’autour d’elle chacun dormait, elle se leva et pénétra dans la pièce où les enfants étaient couchés. Là reposait, parmi ses frères, Soëzic, la fille aînée, à peine âgée de huit ans : petite blondinette, jolie et délicate comme un ange, la préférée de son père à cause de sa gentillesse et de sa douceur. Kébèn la prit dans ses bras avec précaution, pour ne la point réveiller, et s’achemina sans bruit vers la grange. Il y avait dans un coin de cette grange, dissimulé derrière un tas de fagots, un vieux bahut hors de service, fait d’un énorme tronc de chêne creusé au feu, avec des parois aussi épaisses que celles des sarcophages en granit où l’on avait coutume d’ensevelir les chefs de clan. La mère dénaturée déposa l’enfant au fond du coffre, rabattit le lourd couvercle, ferma la serrure à double tour, puis, ayant repris sa place sur le foyer, se mit tout à coup à pousser des cris atroces, des cris de bête qu’on égorge.

Le maître de Kernévez sauta à bas du lit, épouvanté