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AU PAYS DES PARDONS

dit un adage inventé, je suppose, par quelque commère d’un bourg voisin, à l’époque où la prospérité de ce petit pays industrieux faisait autour d’elle tant de jaloux. Le vieil individualisme celtique est demeuré vivace en Bretagne, et les rivalités, les rancunes s’y perpétuent d’un village à l’autre, avec une sorte de jovialité féroce…

Je suis déjà haut dans la montée que j’entends encore, derrière moi, rire à gorge déployée mes Cornouaillaises retour de pardon. Mais, à mesure que je m’élève, il semble que je pénètre dans une atmosphère d’infini silence ; on respire dans l’air ce je ne sais quoi de religieux qui enveloppe partout les sommets et qui les fit vénérer de nos ancêtres aryens comme des tabernacles de la divinité. La brise, qui souffle par lentes bouffées, est chargée de parfums d’une essence rare, de la fine senteur des herbes aromatiques ; et les groupes de nuages dans le ciel ressemblent à de grandes figures agenouillées… Les sons d’une clochette ont retenti. Une voix psalmodie en breton :

« — Passant, donnez une obole !… Pour l’amour de saint Thégonnec, donnez ! »