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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/281

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AU PAYS DES PARDONS

ruines enguirlandées de lierre qui jonchent au loin la campagne. L’unique hôtel du lieu, dont la vieille façade pleure inconsolablement la mort des diligences, a tendu son hangar de draps blancs, comme pour une noce de village. J’y déjeune avec les Troménieurs d’importance, patrons de pêche ou riches laboureurs, gens de Plonéis, de Tréboul, de Kerlaz et de Ploaré. Des bouffées de brise gonflent les toiles, font claquer autour de nous toutes ces blancheurs sonores. La foule, sur la place, va, vient, grossie de quart d’heure en quart d’heure, exaltée, grisée de son propre bruit. Une allégresse sacrée commence à vibrer dans l’air.

Notez ceci. Dans ce vaste bourdonnement humain, pas une clameur de mendiant, pas une de ces lamentations geignardes qui vous obsèdent les oreilles à tous les autres pardons de Bretagne. Les exhibiteurs de plaies, réelles ou simulées, ne se montrent point à Locronan ni sur le parcours du pèlerinage. Il est vrai que la Troménie est faite pour décourager les infirmes, culs-de-jatte, tortillards et béquillards de toute espèce. Elle est avant tout la solennité des ingambes.