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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/286

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

les façades grises des maisons, comme transfigurées par la joie, la théorie se déroule en un pêle-mêle splendide et silencieux. Le ciel, la montagne, la mer brillent d’une même clarté blonde, coupée seulement, à de rares intervalles, par les grandes nappes d’ombre brune qui tombent des nuées en marche. Toutes choses, dans cette atmosphère fluide, sont en quelque sorte fondues. Rien ne borne le regard ; les lointains se sont évaporés, dissous…

Mais, déjà l’on s’enfonce dans les petits chemins. Nous avons laissé derrière nous la route battue, ses oratoires champêtres que le clergé salue au passage d’un cantique, et sa poussière, et son aveuglante blancheur. Nous tournons le dos à la montagne, à la lumière. Le sol se creuse toujours plus profondément sous nos pas. C’est presque une voie sépulcrale, pavée d’ossements de granit. Des deux côtés, de hauts talus surplombent, et au-dessus s’entrelacent des frondaisons denses ou se tordent, ainsi que les vieilles poutres au plafond des manoirs, des souches bizarres qu’on dirait sculptées. Ici le soleil ne pénètre plus. C’est