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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/288

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

les jours de lessive. La trace de ses genoux y est restée marquée, et l’on prétend qu’à minuit, lorsqu’il fait clair de lune, on l’y peut voir tordant son suaire entre ses doigts de squelette et exprimant de la toile un mélange abominable de pus et de sang. Du moins la malédiction qui pèse sur elle n’a-t-elle pas nui au lieu qu’elle habita. C’est, en effet, un des coins exquis de la région, avec des vergers opulents, une mer de blés, des avenues de hêtres superbes où la Troménie s’attarde à plaisir et rassemble ses forces avant d’entreprendre l’assaut de la montagne.

De ce côté, le Ménez se dresse en apparence inexpugnable. Il a la raideur abrupte des collines où les Anciens édifiaient leurs acropoles. Porteurs de croix et porteurs de bannières l’attaquent de front, hardiment, au pas de charge. Ne vous imaginez point que ce soit par vaine ostentation de vigueur. S’ils n’escaladaient tout d’une haleine ce sentier de chèvres, ils s’affaisseraient exténués à mi-pente. Les tambours et les fifres les soutiennent de leur mieux, et la procession suit comme elle peut, à la débandade, haletante, congestionnée.