Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
AU PAYS DES PARDONS

temps hâtif. Môn causait, causait, comme pour se dédommager du silence qu’elle avait dû observer jusque-là. À Trédarzec elle voulut absolument me faire manger des gâteaux à une petite « boutique » en plein vent. Elle était gaie ; des bouts de chansons lui venaient aux lèvres ; jamais je ne lui avais vu cette exubérance. Et elle ne boitait plus — oh ! plus du tout, — trottinait au contraire, d’une allure ingambe, avec des sautillements d’oiseau.

« — Vous avez l’air tout heureux, vieille mère ? »

« — Je suis heureuse, en effet, mabik[1]. J’ai un poids de moins sur le cœur. Parmi les commissions qu’on me donne à faire, il en est qui ne sont pas agréables, mon enfant. »

« — Et quelle était celle d’aujourd’hui, s’il vous plaît ? »

« — Chut ! » murmura-t-elle, en faisant mine d’écouter un pinson qui s’égosillait au-dessus de nous, dans une touffe d’aulnes. Je n’osai pas insister ; on parla d’autre chose…

  1. Fils, avec le diminutif de tendresse.