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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/49

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AU PAYS DES PARDONS

les, le strict nécessaire : un lit, une armoire, accolés l’un à l’autre, et ayant cette gêne vague des choses qui se sentent dépaysées. Quant au reste, des murs vides, ou plutôt peuplés — peuplés à l’excès — des surabondantes visions de Mabik.

Au moment où je franchis le seuil, le maître de céans est assis dans l’âtre, sur une escabelle, et surveille la cuisson du repas de midi. Il m’accueille sans se déranger, à la façon bretonne.

« — Si vous êtes chrétien, vous êtes ici chez vous, » me dit-il avec cette politesse tranquille des hommes du peuple en Basse-Bretagne, qui laissent les gens venir à eux.

Deux mascarons grossièrement pétris font saillie aux deux angles de la cheminée. L’un tient entre les lèvres, en guise de pipe, la pince en fer du gôlô-lutik, de la longue, et fluette, et torse chandelle de résine. Celui-là, m’explique Mabik, c’est « Ravachol », et l’autre, vis-à-vis, c’est le « diable » qui le tente. Le Petit Journal a pénétré jusque chez cet illettré d’Armorique.

Nous sommes vite devenus bons amis. Je