Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/102

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Je ne m’inquiétais pas trop de ce premier fait, si mystérieux qu’il me parût. A quelques jours de là, à la tombée du jour, je filais, sur le pas de la porte, , en compagnie d’une voisine. Tout à coup, je m’entendis appeler par mon mari qui était couché à l’autre bout de la maison, dans un lit près de l’âtre. J’accourus.

— Que te faut-il ? lui demandai-je.

— Il ne me répondit point, et je vis qu’il dormait profondément, la tête tournée du côté de la muraille.

Je revins vers la voisine :

— Est-ce que vous n’avez pas entendu Lucas m’appeler, tout de suite ?

— Si bien.

— Comment expliquer cela ? il dort maintenant d’un sommeil de blaireau…

Un mois ou deux s’écoulèrent. Mon homme n’allait ni mieux, ni pis. Cette nuit-là, je venais de m’étendre à son côté et je commençais à prendre mon repos, quand j’entendis, dans le grenier, juste au-dessus de ma tête, le pas de quelqu’un qui marchait avec précaution. Puis, ce furent comme des chuchotements entre plusieurs personnes[1]. Puis, un fracas de planches qu’on remue[2]. Enfin les coups répétés d’un marteau enfonçant des pointes.

  1. En Écosse, si l’on entend à la porte un murmure de voix humaines et qu’on n’aperçoive personne, c’est un intersigne de mort. Les voix sont celles de gens qui causent à voix basse en attendant la levée du corps (W. Gregor, Notes on the folklore of the North-East of Scotland, p. 203).
  2. Un craquement de planches est un intersigne de mort pour une famille irlandaise (lady Wilde, Ancient legends, p. 138).