Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/110

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sur deux pieds de large. Puis tu te rendras au presbytère. Quel que soit le prêtre de service, tu le prieras de prendre son sac d’extrême-onction[1] et de te suivre chez nous au plus vite.

Ma mère regarda le maître avec stupéfaction. Il avait des larmes qui lui roulaient sur la joue.

— Va, commanda-t-il, et sois prompte.

Ma mère prit ses sabots dans ses mains, enfila la voie de traverse, et courut au bourg tout d’une haleine.

Une heure après, elle était de retour à la ferme. Un des vicaires l’accompagnait.

Sur le seuil était assise la fermière.

— Vous arrivez trop tard, dit celle-ci au vicaire, mon mari est trépassé.

Ma mère n’en pouvait croire ses oreilles.

La fermière fit tout de même entrer le prêtre. Ma mère se glissa derrière eux dans la cuisine. Sur la table, on avait étendu un matelas, et le maître était couché dessus, mort. Il avait encore ses vêtements de la journée. Le vicaire aspergea le corps d’eau bénite et commença les prières funèbres.

Quand il fut parti, ma mère reçut l’ordre de gagner le lit, car on préparait tout pour la dernière toilette du défunt.

Ce lit était au bas bout de la maison. Une simple cloison de planches séparait la pièce de la cuisine. Je

  1. Ar sac’h-nouenn appelé aussi ar sac’h-dû. C’est une sorte de sacoche en velours noir dans laquelle le prêtre met un rochet, une étole et les saintes huiles, pour aller extrémiser les moribonds.