Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et tous les saints de Bretagne de veiller sur son mari et de le ramener à Bréhat, sain et sauf.

Le jardin qui entourait sa maison était contigu au cimetière. Elle fit percer une porte dans le mur de séparation, et put désormais aller et venir de chez elle à l’église, de l’église chez elle, sans avoir à traverser le bourg, sous les regards indiscrets des commères.

Une nuit, elle se réveilla en sursaut. Il lui sembla qu’elle venait d’entendre sonner une cloche.

— Serait-ce déjà la première messe, la messe d’aube ? se demanda-t-elle.

Sa chambre était éclairée d’une lumière vague. Comme on était en hiver, elle pensa que c’était le petit jour. La voilà de se lever et de se vêtir en grande hâte, puis de s’en aller d’une course jusqu’à l’église.

Elle fut tout étonnée, en entrant, de trouver la nef pleine de monde, plus étonnée encore de voir que c’était un prêtre étranger qui officiait.

Elle se pencha à l’oreille d’une de ses voisines :

— Pardon, dit-elle, si je vous dérange. Mais que signifie cette solennité ? J’étais à la grand’messe, dimanche dernier, j’ai attentivement écoulé le prône, et je ne me souviens pas d’avoir entendu annoncer de fête majeure pour cette semaine…

La voisine était si profondément absorbée dans son oraison que Marie Coinic ne put obtenir d’elle aucune réponse.

À ce moment, il se fit une espèce de remous dans l’assistance. C’était le chasse-gueux[1] qui s’ouvrait

  1. Le chasse-gueux (les Bretons prononcent chasse-de-Dieu) n’est autre que le suisse.