Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/191

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en route, après avoir souhaité le bonsoir à chacun.

De Rune-Riou à Kerdrenkennily a bien trois quarts de lieue. Gab marcha d'abord allègrement. La lune était claire, et le bon flip qu'il avait bu lui faisait chaud dans l'estomac. Il sifflotait1 un air breton pour se tenir compagnie, tout joyeux de la joie qu'aurait Madeleine Dénès en le voyant rentrer avec un beau sac de pommes de terre. On en ferait cuire le lendemain une pleine marmitée  ; on y ajouterait une tranche de lard, et tout le monde se régalerait.

Cela alla bien l'espace d'un quart de lieue.

Mais, au bout de ce temps, la vertu du flip s'étant dissipée à la fraîcheur de la nuit, Gab sentit toute la fatigue de sa journée lui revenir. Il commença à trouver que le sac de pommes de terre lui pesait lourd sur les épaules. Bientôt il n'eut plus de cœur à siffler.

— Si du moins, pensait-il, je faisais rencontre de quelque roulier !... Mais je n'aurai pas cette chance.

Il arrivait à ce moment près du calvaire de Kerantour où s'amorce à la grand'route le petit chemin de Nizilzi, qui mène à la ferme du même nom.

— Ma foi, se dit Gab, je vais toujours m'asseoir nn instant sur les marches de la croix, pour reprendre haleine.

1. Il n'est pas bon de siffler sur les routes, la nuit. Un homme qui avait cette habitude entendit, sur ses talons, quelqu.un qui sifflait mieux que lui. C'était le diable. Il n'y a que le diable, à siffler pendant la nuit (P. Y. Sébillot, Contes et légendes du pays de Gouarec, Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, t. XVIII, p. 66).

Il déposa