Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/193

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s'empressa d'éteindre sa pipe, la fourra dans la poche de sa veste, empoigna le sac de pommes de terre, et courut après la charrette qui allait encore assez vite. Il finit ; par la rejoindre et y laissa tomber le sac, en poussant un ouf! de soulagement.

Mais comment expliquer cela ? Le sac passa au travers des vieilles planches et chut à terre.

— Quelle espèce de charrette est-ce donc ceci ? se dit Gab.

Il ramassa le sac, voulut de nouveau le poser dans la charrette, en le poussant cette fois plus avant.

Mais le fond de la charrette n'avait décidément aucune solidité, car le sac passa au travers, entraînant Gab Lucas. Tous deux roulèrent sur le sol.

L'étrange attelage continuait cependant sa route. Son mystérieux conducteur n'avait même pas détourné la tête.

Gab les laissa s'éloigner. Quand ils eurent disparu, il s'achemina à son tour vers Kerdrenkenn où il arriva à moitié mort de peur.

— Qu'as-tu ? lui demanda Madeleine Dénès, le voyant tout défait.

Gab Lucas raconta son aventure.

— C'est bien simple, lui dit alors sa femme. Tu as rencontré Karrik ann An/cou.

Gab faillit en faire une fièvre.

Le lendemain, il entendit le glas tinter à l'église du bourg. Le maître de Nizilzi était mort la nuit précédente vers les dix heures, dix heures et demie.

(Conté par Marie-Yvonne Mainguy. — Port-Blanc.)

XXII