Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/234

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— Charles Glaouier ! Il était si bien porLant tout à l'heure.

— La mort a de ces coups imprévus. Voici deux heures que je le veille. J'ai dû l'ensevelir, tout seul. Je suis brisé d'émotion et de fatigue. Vous êtes, comme moi, son frère de chambrée. Je vous serai reconnaissant de prendre ma place auprès de sa dépouille mortelle, jusqu'à ce que je vienne vous relever, après avoir goûté quelque repos.

— Allez, allez vous reposer,murmura « l'innocent».

Et il s'agenouilla sur le carrelage de brique, à l'endroit que Jean Coz venait de quitter. Tirant de sa poche son livre d'heures, il se mit à débiter toutes les oraisons d'usage en pareille circonstance. De temps en temps, il s'interrompait pour moucher une des chandelles, pour jeter un peu d'eau soi-disant bénite sur le corps, et aussi pour dévisager timidement le camarade que Dieu avait rappelé à lui. Car c'était peut-être la première fois qu'Anton le simple se trouvait face à face avec un trépassé.

Il était si préoccupé de remplir décemment sa fonction de veilleur funèbre, qu'il n'entendait pas les chuchotements qui se faisaient à quelques pas de lui, dans l'entrebâillement de la porte.

Toute la bande des camarades dont les cellules donnaient sur ce couloir était là, les yeux aux aguets  ; ils n'attendaient, pour se gaudir, que la burlesque scène promise par Jean Coz au nom de Glaouier.

Us attendirent longtemps.

Les heures nocturnes sonnèrent, l'une après l'autre. Minuit retentit, quand son tour fut venu.