Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/27

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incombe, disent-ils, depuis une époque déjà reculée : ils se prétendent voués au passage des âmes. La nuit, durant leur sommeil, ils sont soudain réveillés en sursaut par des coups heurtés à la porte : du dehors, une voix les appelle à l’ouvrage. Ils se lèvent en hâte. Vainement se refuseraient-ils à obéir : une force mystérieuse les arrache au logis et les entraîne vers la grève. Des barques sont là, non point les leurs, mais d’autres. En apparence, elles sont vides ; en réalité, elles sont chargées de monde, presque à couler bas : l’eau vient affleurer le bordage. Ils y montent et saisissent les rames. Une heure après, malgré le poids des invisibles passagers, ils sont à l’île, alors qu’en temps ordinaire le trajet ne demande pas moins d’une nuit et d’un jour. On n’a pas plus tôt touché le rivage breton que, brusquement, les barques s’allègent, sans qu’ils aient vu descendre aucun de leurs compagnons de traversée, et, à terre, une voix se fait entendre, celle-là même qui les a réveillés dans leur lit. C’est le conducteur des âmes qui présente un à un les morts qu’il amène, aux personnes qualifiées pour les recevoir, en appelant les hommes par le nom de leur père, les femmes, s’il y en a, par le nom de leur mari, et en déclinant pour chaque ombre les fonctions qu’elle exerçait de son vivant.

Tel est, dans ses grandes lignes, le récit de