Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/326

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Je vous prierai d'être un peu moins bruyants, par respect pour le mort.

Il était là, le mort, allongé sur la table de la cuisine. On avait jeté sur lui la nappe au pain, le seul linge à peu près convenable qu'il y eût dans la maison. Le visage toutefois était à découvert.

— Hé ! mais, s'écria un des veilleurs improvisés, c'est Lôn Ann Torfado !

— Oui, répondit la veuve. Il a trépassé dans l'après-midi.

Elle alla à une armoire, en tira verres et bouteilles, disposa le tout sur le banc-tossel et dit aux hommes:

— Vous boirez à votre soif. Moi, je vais me coucher.

— Oui, oui, vous pouvez laisser Lôn à notre garde. Nous l'empêcherons bien de s'échapper.

La femme partie, les hommes s'installèrent aune petite table placée près du mort, sur laquelle brûlait une chandelle et où un rameau de buis trempait dans une assiette pleine d'eau bénite.

Je ne vous ai pas encore dit leurs noms. C'étaient Fanch Vraz, de Kerautret, Luch ar Bitouz, du MinnCamm, et les deux frères Troadek, de Kerelguin. Tous, gens résolus et sans souci, que la présence d'un cadavre n'était pas pour impressionner.

Fanch Vraz sortit de la poche de sa veste un jeu de cartes qui ne le quittait jamais.

— Coupe ! dit-il à Guillaume Troadek. Et voilà le jeu en train.

Une heure durant, on joua, on but, on jura et sacra.