Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/39

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Patrice, permets qu’un des nôtres s’en rende compte par ses yeux et nous en rapporte des nouvelles. » Le saint, pour les convaincre, exauça leur désir. Une fosse fut creusée, à moins qu’elle n’existât déjà, sous forme de grotte ou de chambre funéraire — car, ainsi qu’on l’a justement observé, l’aspect physique des pays est pour beaucoup dans la création de ce genre de mythes — et un Irlandais s’y aventura. Quand il reparut, il avait sur la face toute l’épouvante des régions traversées et des spectacles entrevus. Cela se passait, dit-on, sur une petite île du Loch-Derg, dans le comté actuel de Donegal. Ce coin sauvage et reculé de l’Irlande était destiné à devenir par la suite un centre de pèlerinage pour toute la chrétienté. Le voyage au « puits » ou purgatoire de saint Patrice fut une des dévotions les plus ferventes du moyen âge. Ceux qui l’avaient accompli en perdaient le goût des joies humaines et demeuraient semblables à des morts parmi leurs contemporains. Les épreuves à subir étaient longues et redoutables. C’était toute une initiation, analogue à celle des mystères anciens ou de la franc-maçonnerie moderne. Le postulant devait d’abord s’assurer, par un scrupuleux examen de conscience, s’il se sentait la force d’âme et la bravoure nécessaires. Sa résolution arrêtée, il allait trouver l’évêque de la région qui, après lui avoir représenté les risques de l’entreprise, lui remettait une lettre pour le