Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/394

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ciseaux ne mordaient pas dans ce cuir tanné par l'eau de la mer. Alors, exaspérée, elle saisit le doigt entre ses dents et le trancha d'un coup. Puis, l'ayant recraché dans la fosse, elle y fit de même rentrer la main, nivela le sable, épousseta son tablier, en se relevant, et s'enfuit, emportant la bague.

Le lendemain, elle vint à son ouvrage, comme à l'ordinaire. Seulement, elle avait la tête enveloppée d'un lichu de laine, par-dessus sa coiffe, et elle était toute pâle.

— Qu'avez-vous donc, Môna  ? lui demanda la ménagère.

— Oh ! rien, fit-elle, un peu mal aux dents. Cela va passer.

Et elle entama sa couture.

Mais, au lieu de passer, le mal ne fit que croître, au point de forcer Môna Paranthoën à quitter son travail. Elle s'en alla, en gémissant.

Elle disparaissait à peine au tournant du sentier, qu'il s'éleva un grand tumulte dans le village. Des gamins qui jouaient dans la grève étaient subitement remontés, criant à tue-tête :

— Venez voir ! venez voir !

— Quoi?

— Ce qu'il y a « au cimetière des noyés » !

Tout Buguélès, hommes et femmes, descendit derrière eux jusqu'à la mer. Quand on fut arrivé à l'endroit, voici ce qu'on vit. Au pied de la croix goudronnée, une manche de veste sortait du sable, et de la manche sortait une main, et les doigts de cette main étaient affreusement crispés, sauf un, l'annulaire,