Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/402

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« cuisson' » devait être arrivé son cadavre. Bref, on eût difficilement trouvé un fossoyeur plus entendu. Il continuait de voir clair comme en plein jour dans les fosses qu'il avait comblées. La terre bénite du cimetière était, pour ses yeux, transparente comme de l'eau.

Or, un matin, le recteur le fit appeler :

— Poaz-coz, Mab Ar Guenn vient de trépasser. Je pense que vous pourrez lui creuser son trou là où le grand Boperz fut enfoui, il y a cinq ans. N'est-ce pas votre avis?

— Non, monsieur le recteur, non!... Dans ce coinlà, voyez-vous, les cadavres se conservent longtemps. Je connais mon Roperz. A l'heure qu'il esl, c'est à peine si la vermine a commencé à lui travailler les entrailles.

— Tant pis! arrangez-vous!... La famille de Mab Ar Guenn désire vivement qu'il soit enterré à cette place. Roperz y est depuis cinq ans. Qu'il cède le tour à un autre. Ce n'est que justice.

Poaz-coz s'en alla, hochant la tête. Il n'était pas le maître, il devait obéir, mais il n'était pas content. Le voilà de mettre pioche en terre. La fosse fut bientôt déblayée aux trois quarts.

— Encore un coup de pioche, se dit Poaz, et j'aurai, si je ne me trompe, atteint le cercueil.

Il le donna de si bon cœur, ce coup de pioche, que non seulement il atteignit le cercueil, mais même

1. C'est l'expression consacrée chez les fossoyeurs brelons : Poaz eo « il est cuit », c'est-à-dire pourri;